Objet du mois
Chaque mois, le Musée sort et met à l'honneur un ou des objets des réserves. Venez-le ou les découvrir chaque mois lors de votre visite.
Voici l'objet du mois de Septembre 2024
Une lampe romaine ornée d’un combat de gladiateurs
Pierre Cattelain, archéologue, directeur scientifique du Cedarc/Musée du Malgré-Tout.
Voici l’automne, les jours raccourcissent et la lumière baisse progressivement. C’est le moment que j’ai choisi pour vous présenter une de nos récentes acquisitions : une jolie petite lampe à huile romaine provenant de l’Hôtel de Ventes Vanderkindere à Bruxelles.
Des objets façonnés dévolus à l’éclairage sont bien attestés dès le Paléolithique supérieur, il y a plus de 10 000 ans, telles les lampes à graisse en pierre des sites de La Mouthe et de Lascaux, en Dordogne. Dès l’âge du Bronze, on retrouve des lampes en terre cuite, puis en alliage cuivreux, exceptionnellement en or.
Ces lampes sont des récipients ouverts ou fermés comportant un ou plusieurs becs destinés à accueillir une mèche. Les lampes fermées sont en outre dotées d’un ou plusieurs trous permettant d’y verser l’huile, situés généralement au centre d'une dépression plus ou moins circulaire. Ce type de lampe va survivre sous sa forme métallique jusqu’à l’aube du XXe siècle, notamment dans l’équipement des mineurs : le rat de cave.
Pendant la Préhistoire et l’Antiquité, la seule alternative à la lampe à huile, à part la lueur du foyer, était la torche, dont on trouve déjà des traces de « mouchage » dans les grottes ornées paléolithiques, puis la chandelle, bien attestée par des… chandeliers.
La lampe que nous vous présentons ici date de la seconde moitié du Ier siècle après J.-C. (L : 10,62 cm - l max. : 8,37 cm - ép. max. : 2,63 cm). Elle est de type Loeschcke Ic et pourrait être originaire d’Italie ou de la moitié sud de la Gaule. Elle est en terre-cuite beige et dépourvue d’anse. Son bec est triangulaire à volutes simples. Le bandeau plat légèrement incliné vers l’intérieur de la lampe est orné de deux sillons. Le médaillon, concave, est décoré d’une scène de combat où s’affrontent deux gladiateurs. Celui de gauche, de face, est un Thrace (Thraex) ; celui de droite, de trois-quarts de dos, est un Mirmillon (Murmillo).
Comme tous les gladiateurs, le Thrace est simplement vêtu d’un pagne, le subligaculum. Son équipement est probablement inspiré des Samnites, peuple italique définitivement vaincu lors de la Guerre Sociale par le dictateur Sylla au début du Ier siècle avant J.-C. Il comporte une dague plus ou moins recourbée, la sica, un petit bouclier quadrangulaire courbe, la parma, une protection de lamelles de métal, la manica, au bras droit et une paire de jambières en métal, les ocrea, montant jusqu’aux cuisses. Le Thrace est coiffé d’un casque (galea) à rebord muni d’un cimier et parfois d’une visière couvrant tout son visage. Dans cet exemplaire-ci, sa main droite est prête à frapper, mais il est impossible de définir la forme de sa dague.
Le Mirmillon est un gladiateur qui semble dériver des combattants gaulois prisonniers de Rome (certains auteurs parlent aussi de Samnites) et condamnés à combattre dans l’amphithéâtre pour échapper à l’esclavage. Il est équipé d’un grand bouclier rectangulaire incurvé, le scutum, d’un glaive droit, le gladius, et d’un petit casque surmonté d’une aigrette. Il ne porte ni manica, ni ocreae, mais des bandelettes qui entourent sa cheville gauche, les fasciae. Sur cet exemple-ci, il tient son scutum dans sa main gauche baissée et son gladius dans la main droite, dans une position d’attente. Une lampe très semblable à la nôtre a notamment été mise au jour à Vindonissa (Windisch, dans le canton d’Argovie, en Suisse).
Pour en savoir plus :
Bémont C. – 2007. Lampes en terre cuite antiques. Paris, Réunion des musée nationaux : 584 p.
Goethert K. – Römische lampen und leuchter. Auswahlkatalog des Rheinischen Landesmuseum Trier. Trier, Rheinischen Landesmuseum Trier : 216 p.
Kazek K.A. – 2007. Recherches iconographiques sur les jeux de l‘amphithéâtre en Gaule du Ier au IIIe siècle ap. J.-C. (céramiques sigillées, lampes en terre cuite et mosaïques). Thèse de Doctorat, Metz, Université Paul Verlaine, 3 vol. : 278 p., catalogue.
Kazek K.A. – 2010. Morituri te salutant : vérités et mythologies sur les spectacles de l’Amphithéâtre. In : Cattelain P., Di Stazio G.V., Bellier C. & Bozet N. (dir.), Des jeux du stade aux jeux du cirque. Treignes, Cedarc : 193-206.
Landes Chr., Cazes D. & Ugaglia E. – 1987. Les gladiateurs. Lattes, Musée archéologique : 192 p.
Menzel H. – 1954. Antike lampen im Romisch-Germanischen Zentralmuseum zu Mainz. Mainz, Romisch-Germanischen Zentralmuseums : 120 p.
Robin Petitot B. – 2000. Catalogue des lampes grecques et romaines. Arles, Les Collections du musée de l’Arles antique : 110 p.
Teyssier E. & Lopez B. – 2005. Gladiateurs. Des sources à l’expérimentation. Paris, Errance : 156 p.